A lui seul, le secteur de l’énergie menace de nous faire dépasser le seuil de 1,5° prévus par l’accord de Paris selon une étude sino-américaine parue au début du mois de juillet dans la revue scientifique « Nature ».
Les auteurs de cette étude intitulée « Committed emissions from existing energy infrastructure jeopardize 1.5 °C climate target » https://www.nature.com/articles/s41586-019-1364-3 ont analysé les émissions de carbones des infrastructures liées aux énergies fossiles actuellement en exploitation ou en cours de construction dans le monde. Puis, ils ont comparé leurs résultats au budget carbone avec l’objectif fixé par l’Accord de Paris, soit une limite de la hausse des températures à +1,5°C.
Pour rappel, le budget carbone correspond à a la quantité de CO2, que le monde peut encore théoriquement se permettre d’émettre avant de dépasser les objectifs climatiques. Pour un objectif à 1,5°C, ce budget carbone est compris entre 420 et 580 Gigatonnes (Gt). Pour un objectif de 2°C, il se situe entre 1170 et 1500Gt.
Le consensus scientifique est clair, et la COP23 n’a fait que le confirmer : les accords de Paris sur le changement climatique ne seront pas respectés. Or, nous vivons d’ores et déjà une mosaïque d’effondrements climatiques, biologiques et sociaux, dont les prémices (bien entamées) se font sentir par la hausse alarmante des réfugiés climatiques, des sécheresses, des feux de forêts, des ouragans, et bien sûr des conflits sociaux qui en résultent.
Le changement climatique n’est plus un enjeu scientifique et technocratique, où il s’agirait de savoir quelles variables bidouiller pour gérer au mieux « l’environnement ». Il est clair que nos bienfaiteurs ont perdu le contrôle, ou plutôt qu’ils ne l’ont jamais eu. Le changement climatique est un enjeu politique, qui engage directement nos vies, nos devenirs communautaires et révolutionnaires. Il nous appartient dès maintenant d’en arracher la problématisation et la résolution à ses incompétents gestionnaires.
Andreas Malm, un historien suédois, a donné une intéressante conférence au séminaire Conséquences sur les rapports entre révolution et changement climatique, s’appuyant notamment sur le cas syrien. Même si nous ne partageons pas l’ensemble de ses propos, nous les reproduisons ci-dessous avec son accord, car ils ont le mérite d’ouvrir efficacement le débat.
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2) La contre-révolution ou le chaos comme symptôme du changement climatique
La révolution syrienne n’est pas arrivée seulement par le réchauffement climatique mais celui-ci a accentué les inégalités sociales qui ont conduit aux émeutes. On pourrait par exemple faire un parallèle avec la façon dont Lénine voyait la 1ère guerre mondiale comme un « accélérateur des contradictions » entre le vert gazon des riches et les autres.
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la question de l’antifascisme doit être primordiale. Ce sont bien sûr des scénarios extrêmes mais le changement climatique est lui-même déjà extrême.
3) La révolution pour traiter les symptômes du changement climatique
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pour une meilleure adaptation aux mutations. Par exemple en Syrie, l’essentiel de l’agriculture s’appuie aujourd’hui sur une irrigation traditionnelle par inondation. On pourrait imaginer une utilisation plus parcimonieuse de l’eau mais l’adaptation coûte cher. C’est pourquoi il faudrait justement une transformation de l’Etat et de la société pour financer l’irrigation par goutte.
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4) La révolution contre les causes du changement climatique
Il est encore imaginable de retourner les causes du changement climatique. Par exemple, on pourrait envisager de conserver les énergies fossiles restantes dans nos sols. Cela serait toutefois un changement anthropologique si décisif qu’on ne peut le concevoir hors d’une véritable révolution. Il faudrait dépasser l’utilisation des énergies fossiles, et cela nécessiterait un virage à 180 degrés, pas seulement sur le plan de la technique mais aussi sur celui des rapports sociaux puisque les énergies fossiles sont implantées dans les rouages de nos sociétés (au sens concret comme au figuré).
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Les actions directes militantes à courte échelle (par exemple, en Allemagne, arrêter des usines manu militari ou aux Etats-Unis, les victoires locales contre les projets de pipelines), il faut bien être honnête, ça ne retournera pas le changement climatique contre lui-même, en tout cas pas dans l’immédiat. C’est la raison pour laquelle, [ndlr : selon Andreas Malm], il faut penser à nouveau la question centrale qu’est la prise de pouvoir de l’Etat, la nécessité d’utiliser la forme étatique pour mener les actions nécessaires à la destruction des énergies fossiles.
Nous vivons un moment tragique : le réchauffement climatique devient un problème très important au moment historique précis où les gens ont perdu l’habitude de s’organiser collectivement. Le rôle des activistes est de démontrer que l’action collective est possible.
En guise de conclusion, citons le mot de Daniel Bensaïd : « si nous avons des doutes, c’est par rapport au succès, non par rapport à la nécessité d’essayer« .
Le tribunal des affaires foncières et environnementales de l’État de Nouvelle-Galles du Sud, dans l’ouest de l’Australie, a estimé que le projet de mine de charbon à ciel ouvert de Rocky Hill, situé à Gloucester, à 220 km au nord de Sydney, intervenait « au mauvais endroit, au mauvais moment ».
La décision rendue par le juge Brian Preston s’appuie sur les études d’impact local du projet de la société Gloucester Resources, mais aussi sur les répercussions secondaires en termes de réchauffement climatique liées à l’utilisation du charbon.
« Au mauvais endroit parce qu’une mine de charbon à ciel ouvert dans ce paysage spectaculaire et culturel [...] aura des impacts importants en termes visuel, social et en termes d’aménagements, peut-on lire dans la décision. Au mauvais moment parce que les émissions de gaz à effet de serre (GES) de la mine de charbon et des produits du charbon accroîtront les concentrations mondiales de GES au moment où ce qui est nécessaire et urgent, pour atteindre les objectifs climatiques qui ont été agréés, est une baisse rapide et profonde des émissions de GES », écrit le juge.
La décision invoque à de multiples reprises l’Accord de Paris sur le climat et la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, et des climatologues avaient été appelés à témoigner. Les organisations environnementales avaient fait du dossier de la mine de Rocky Hill un « jugement de référence » pour le droit australien en espérant qu’il constituerait un précédent.
L’Australie est un des premiers producteurs de charbon au monde, et son premier exportateur, alimentant les centrales électriques de Chine, d’Inde, de Corée du Sud ou encore du Japon.
Source : La Presse (Canada) avec AFP
Photo : Habitants opposés à la mine, en 2017 ABC
Lire aussi : En Australie, des milliers d’écoliers ont manifesté pour le climat https://reporterre.net/En-Australie-des-milliers-d-ecoliers-ont-manifeste-pour-le-climat
En décalage total avec le discours officiel, qui fait de la France l’un des champions de la lutte contre le réchauffement climatique, nous avons presque battu des records de hausse des émissions de CO2 en 2017. Parmi les grands pays européens, seule l’Italie a été aussi mauvaise. Elle a, comme la France, augmenté de 3,2% l’an dernier ses émissions de CO2 provenant de la consommation d’énergie. Les Allemands affichent, eux, un léger recul de leurs émissions (-0,2%). [...]
Le retour de la croissance est la vraie raison de ce surcroît d’émissions de CO2. Compte tenu des facteurs conjoncturels évoqués, la France fait figure de très mauvais élève au sein des pays développés, mais la tendance est bien la même partout. Elle est clairement à la hausse des émissions, avec un rebond de 2% pour l’ensemble des pays du G20, et de 1,8% pour la seule Europe. Ce rebond est lié à une consommation d’énergie fossile en hausse. La cause semble entendue : les émissions de carbone suivent la consommation d’énergie qui suit l’activité économique. Croissance du PIB et émissions de CO2 restent étroitement liées. Cela signifie, en clair, que l’objectif d’une croissance économe en énergie n’est toujours pas atteint, loin de là. Et ce malgré de louables efforts de développement des énergies renouvelables. Au niveau des pays du G20, la production d’électricité d’origine renouvelable a beau avoir augmenté de 80% depuis 2008, le recours au charbon et au gaz a progressé l’an dernier, après avoir plafonné entre 2014 et 2016. La forte croissance des besoins en électricité a contraint les électriciens à faire tourner à plein régime leurs centrales les plus polluantes.
Accord de Paris : les objectifs s’éloignent
Pour une fois, les Américains ne sont pas responsables. Ils sont les seuls à avoir réduit en 2017 leurs émissions de CO2 par habitant. Non pas en roulant moins, mais grâce à un passage du charbon au gaz pour produire de l’électricité. Pour autant, ils restent bien sûr les champions incontestés des émissions de CO2. Elles ont atteint l’an dernier 15,66 tonnes par Américain, soit 2,4 fois plus que pour un Chinois ou un Européen. À noter que pour la première fois, chaque Chinois émet plus qu’un Européen, la différence étant encore minime.
Certes modeste, la hausse de l’utilisation du charbon par les pays du G20 suffit bien sûr à remettre en cause les objectifs de lutte contre le réchauffement climatique. Rappelons que l’accord de Paris de 2015 prévoyait une réduction annuelle de 2,9% des émissions de CO2. Une réduction qui ne garantissait même pas la limitation du réchauffement à 2 degrés… Compte tenu de cette année 2017 désastreuse pour le climat, pour respecter cet accord de Paris et limiter le réchauffement à 2 degrés, * il faudrait désormais baisser les émissions de CO2 de 3,5% par an, d’ici 2050. On en est très loin. Bref, il y a de quoi sonner l’alarme.
Mots clés : Economie, Energie / Environnement, Réchauffement climatique, Accords de Paris, Co2, Consommation d'énergie
Connu / https://twitter.com/Angelopoulos_E/status/1019525131809550336
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Isabelle Saporta a aimé
Emily Angelopoulos
@Angelopoulos_E
18 juil.
[Etude]
D'ores et déjà responsables de + d'émissions de GES qu'Exxon, BP ou Shell,
les multinationales de la #Viande & du #Lait pourraient représenter, d’ici 2050,
- de 80% du quota annuel d’émissions de GES, compatible avec l’objectif de l’#AccordDeParis.
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GRAIN, Greenpeace Paris, Condition animale et 7 autres
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Après la 21, il y a eu la 22, puis la COP 23 en novembre 2017. Les discours s'embellissent mais les actions significatives manquent toujours, à commencer pour la transition énergétique.
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tout choix de changement de société doit être global et radical, dans le sens où il faut s'attaquer à la racine de la question.
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Que cette lutte passe par le gel des fossiles en laissant 80 % des réserves dans le sol , la transition énergétique comme avec l'exemple du scénario Négawatt ou la transformation du droit comme avec la reconnaissance du crime d'écocide , les sciences ne peuvent tomber dans leurs travers technocratiques d'écran de fumée et doivent jouer leur rôle de piliers dans les débats et les choix d'un changement radical de modèle de société. Cessons de nous complaire dans l'espoir vain de changer sans changer, sinon il n'y aura plus de générations futures à sauver.
Conte médiateur – L'armure de paroles
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Clés : changements climatiques, choix de société, Climat, COP21, Écologie, réchauffement climatique, Environnement et politique, GIEC, science engagée,